Soldats augmentés
Un cadre éthique ?
Nous avons vu qu’« en avril 2019, la ministre des armées énonçait les grandes priorités et l’ambition de la France en matière d’intelligence artificielle » [1].
Le Ministère des armées français, comme nombre de nombreux autres à travers le monde, s’intéresse aussi aux « soldats augmentés ».
« Longtemps cantonnéeau champ de la science-fiction, la perspective d’un combattant aux ressources physiques et cognitives transformées par la technologie afin d’accomplir des performances extrahumaines dans le cadre d’un usage militaire semble de moins en moins éloignée de la réalité. »
— Jean-Christophe Noël
Depuis le programme FÉLIN - acronyme de « Fantassin à équipements et liaisons intégrés » - et la création d’un système de combat individuel destiné aux soldats de l’Armée de terre française [2], le Ministère des armées s’interresse à l’intégration, d’ailleurs de plus en plus systématique, de dispositifs numériques fixés sur le corps du soldat.
Jean-Christophe Noël rappelle que « si l’on retient la définition correspondant à une transformation interne de l’homme à des fins opérationnelles, le soldat augmenté n’existe pas encore » :
« Mais le combattant qui pourra bénéficier des avancées dans le domaine de la génétique, des prothèses ou des progrès dans la communication entre les hommes et les machines est encore à venir. Les conséquences de son avènement seront probablement radicales dans le temps. »
« Le fait que le soldat augmenté ne soit pas encore présent dans les forces ne doit évidemment pas interdire de préparer son arrivée et de commencer à réfléchir au cadre éthique auquel il devra se conformer » ajoute Jean-Christophe Noël. « Il faut même l’encourager, ce qui permettra de disposer d’un coup d’avance. »
• Un colloque a été organisé par le Centre de recherche des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan en janvier 2019 : « regards croisés sur l’augmentation des performances du soldat ».
• Le Focus stratégique de l’IFRI de septembre 2020 revient, sous la lume de Jean-Christophe Noël, sur les « espoirs et illusions d’un concept prometteur ».
Le Centre de recherche des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan (Crec), dans la continuité de son programme de recherche sur « le soldat augmenté » lancé en 2015, a organisé le 15 janvier 2019 à l’École militaire de Paris, avec le soutien de la Fondation pour l’innovation politique, de la Direction générale de l’armement (DGA), de l’Agence de l’innovation de défense et d’EuroISME, branche européenne l’International Society for Military Ethics (ISME), une journée d’études abordant les « regards croisés sur l’augmentation des performances du soldat », dont les actes sont restitués dans un ouvrage publié par la Fondation pour l’innovation politique :
Regards croisés sur l’augmentation des performances du soldat
Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, LE SOLDAT AUGMENTÉ
Regards croisés sur l’augmentation des performances du soldat, Fondation pour l’innovation politique, 18 décembre 2019
« Depuis l’aube de l’humanité, l’homme cherche à s’affranchir des limites de sa condition humaine et à dépasser ses limites biologiques. Depuis la philosophie des Lumières, la société professe sa foi dans le progrès, avec en toile de fond la volonté d’arracher l’homme à toute forme d’hétéronomie, qu’il s’agisse par exemple de la religion ou de la nature, et passer d’un monde subi à un monde voulu dans lequel le refus de toute dépendance s’exprime par l’apologie de l’autonomie. »
Espoirs et illusions d’un concept prometteur
Jean-Christophe Noël [3], À la recherche du soldat augmenté : espoirs et illusions d’un concept prometteur, Etudes de l’IFRI, Focus Stratégique n° 99, septembre 2020
« Longtemps cantonnée au champ de la science-fiction, la perspective d’un combattant aux ressources physiques et cognitives transformées par la technologie afin d’accomplir des performances extrahumaines dans le cadre d’un usage militaire semble de moins en moins éloignée de la réalité.
Il s’incarne actuellement dans l’avènement d’un « soldat connecté » qui utilise ses sens pour savoir ce qui se déroule dans des lieux hors d’atteinte dans des conditions normales. Cette augmentation n’est toutefois pas générale. En dépit d’avancées certaines dans de nombreux domaines technologiques, elle ne s’étend pas encore aux secteurs de la mobilité et de la protection.
Par ailleurs, ces avancées se limitent pour l’instant à des techniques d’augmentation sur le corps, ce qui limite leur aspect original et novateur. Le soldat augmenté du futur n’émergera vraiment qu’avec des progrès sensibles dans le domaine des sciences de la vie et l’introduction de techniques nouvelles d’augmentation dans le corps du soldat. »
EN ANGAIS
Gérard de Boisboissel et Magdalena Revue (dir.), Enhancing soldiers : a European ethical approach, CREC Saint-Cyr, 16 octobre 2019 (en anglais)
Cet ouvrage en langue anglaise du CREC Saint-Cyr est la publication des actes du colloque organisé le 16 octobre 2019 à l’école militaire de Paris évoqué plus haut.
L’IFRI se présente comme « le think tank français de référence sur les questions internationales »
— ifri.org
La Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) se présente comme « un Think Tank libéral, progressiste et européen »
— fondapol.org
Le Centre de recherche des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan
« Les écoles de Saint-Cyr Coëtquidan ont entrepris de faire d’une recherche mise au service de la formation des élèves officiers l’un des axes stratégiques de leur développement par la production d’un savoir à la pointe des connaissances scientifiques et l’enrichissement permanent de l’enseignement. »
— crec
EuroISME, The International Society for Military Ethics in Europe
« La Société Internationale pour l’Éthique Militaire en Europe – EuroISME – propose un forum pour l’analyse, le développement et le partage des meilleures pratiques dans le domaine de l’éthique professio- nelle militaire, au sein de la communauté européenne de défense et au-delà. »
— euroisme.eu
[1] Task Force IA du Ministère des armées, L’intelligence artificielle au service de la défense, 13 septembre 2019
[2] « Ce programme, développé à partir du milieu des années 1990 par la société Safran Electronics & Defense, permet d’améliorer cinq fonctions essentielles : la communication, l’observation, la létalité, la protection, et enfin la mobilité et le soutien du soldat. » Détail des équipements sur Wikipedia
[3] Chercheur associé, Centre des Etudes de Sécurité de l’Ifri. « Après avoir mené une carrière de pilote de chasse, il a tenu diverses places en état-major, traitant notamment des affaires de doctrine ou de prospective. Il a été expert chargé des affaires politico-militaires pendant cinq ans au Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du Ministère des Affaires Etrangères de 2012 à 2017. »
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